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jeudi 10 février 2011

covoiturage imaginaire

Ce matin, j'ai pris ma voiture au garage. Il était tôt, je n'étais pas encore bien réveillé. Mais je devais aller travailler. Seul dans ma voiture, je pensais à tous ces kilomètres qui m'attendaient encore...

Il pleuvait à seaux. Les essuie-glaces pourchassaient à toute vitesse et à grand-peine le flot de toute cette flotte. La radio ronronnait.

Journal du rock, 7H30. Échangeur de Battice, une caravane de véhicules se faufile habilement à ma droite, comptant sur le fair play matinal légendaire des conducteurs...le hasard...une voiture identique à la mienne se range devant moi, même couleur, même accroc dans la carrosserie à hauteur du stop arrière gauche, la silhouette qui se dessine en contre jour côté conducteur a mon gabarit.

je ne suis pas étonné
me sens comme arrivé chez moi
de me voir devant
de me savoir derrière
la route avec les miroitements de moi-même
-parmi les flot et flottes-
je lui fais un appel de phares
puis signe de ma main gauche
en morse ça veut dire

"je t'ai reconnu"
j'avance sur la route
que tu traces pour moi
nous traversons les gouttes
vers un même combat
je ne suis pas étonné
de me voir devant
de me savoir derrière
je me précède déjà


A la radio, changement, Yannick Noah me chante " ... Destination ... Ailleurs! ..."
Suis-je vraiment parti?
Je suis ici et ailleurs...
Je me vois devant
Je me sais derrière
Peut-être sommes-nous tous en permanence ici et là
devant et derrière
Tiens! La pluie a cessé ...


Elle n'en finit pas de cesser. Il faudrait peut-être qu'elle finisse par choisir son camp. Un nuage amical s'efface provisoirement pour laisser venir à nous un rougeoiement du soir. Soudain, la route devient une flamme incandescente, même dans la montée vers Battice...

Trop peu dormi, moi. 7 heures 48, mon double et moi entamons la descente sur Liège, au petit trot. Pas le courage d'encaisser l'énième litanie des "encombrements" de "Claaassic Tweeenie Waaane", tout le monde la connaît par coeur. Clic sur le lecteur CD, Arno entonne "Elle adore le noir". Le soleil repeint le bitume d'orange mécanique, la Meuse scintille de mille feux follets. Sur Visé, ou Maastricht, c'est le pot au noir; bien content de rouler plein ouest. Une heure trente jusque Bruxelles, avec les bouchons. Je pousserais bien jusqu'à Ostende, envie de voir la mer; dommage, je n'ai pas de CD de Marvin Gaye. Je me demande ou va mon alter ego...

Calé à 120 sur la bande centrale, je me laisse bercer par le grondement du moteur et le flop-flop des essuie-glaces.

C'est en regardant distraitement le véhicule auquel je colle depuis une demie-heure, que je constate avec stupeur que non seulement il est identique au mien mais que son immatriculation est la même ! Je me rapproche à une dizaine de mètres pour mieux voir. Mais non, je ne me trompe pas... J'avais d'abord pensé à une coïncidence : même voiture, même profil... Mais là, ça commence à bien faire ! Encore Sous le coup de l'étonnement, je vois ses feux stop s'allumer. Il a brutalement ralenti pour éviter un camion bulgare qui déboîtait et, bardaf, c'est l'embardée...

L'autoroute entière vers Bruxelles est bloquée par ma faute.
Ou est-ce de notre faute? Si mon double et moi-même faisons un accident, est-ce ma faute à moi tout seul?! Je commence à divaguer d'une manière quelque peu philosophique. Un klaxon me sort de cette réflexion existentielle... 


Toujours un peu secoué, je descends de voiture. Je ne supporte pas ces types qui ne peuvent s'empêcher de klaxonner à tout va... Évidemment, il fallait s'y attendre : les sirènes des véhicules de secours couvrent le klaxon de l'excité que je m'apprêtais à sortir de son véhicule pour lui faire mettre une sourdine.
Dans un grand crissement de freins, l'ambulance s'immobilise à notre hauteur.
- Il n'est pas blessé... Dis-je aux deux infirmiers qui en descendent et se dirigent vers nous. Il a juste besoin d'être un peu calmé...
- Ne t'en fais pas, dis le premier, un grand costaud. On s'en occupera...
Mais il me saisit par un bras et son collègue empoigne l'autre en ajoutant :
- Allons, on va tranquillement retourner à la clinique. Le docteur Ferdi se faisait beaucoup de souci pour toi, tu sais...
Je m'étais débattu du mieux que je pouvais mais voilà que j'étais assis dans une ambulance non pas banale. Les stéthoscopes ne finissaient pas par un simple rond mais par des petits cœurs. Les seringues étaient remplies de liquide rose. Où étais-je? Dans une ambulance Barbie grandeur nature?
Alors que je m'étais endormi paisiblement durant le trajet, l'ambulance s'arrête et le grand costaud ouvre les portes coulissantes. Je me réveille en sursaut. L'autre type tient une camisole. Je n'en crois pas mes yeux, on me prend pour un fou!!! Qu'est-ce que cette histoire?
- Allé viens, le docteur Ferdi sera content de voir que tu es sain et sauf! 


L'asile auquel je suis conduit est comme un dédale de briques rouges. On n'en finit pas de marcher sur un sentier graveleux bordé de murs épais et au loin je peux voir poindre une tour massive : un château d'eau.
Le trait vertical pointe vers le ciel maintenant azuré de toute sa menace en nous plongeant dans son ombre implacable. Je sais que je vais y être enfermé mais je ne peux me remémorer pourquoi ...
La curiosité l'emporte presque sur la peur. Je viens même à me demander si je mérite ou non d'être là. Une porte blindée rougie de sang se dresse devant nous lorsque le plus petit de mes gardiens se détache de moi pour agiter une cordelette de couleur paille.
Un carillon lance son cri à travers le labyrinthe qui ensuite s'élance vers l'unique fenêtre du donjon. Je vois poindre dans l'oeil de ce cyclope la trame d'une silhouette qui semble se pencher sur ma personne.
Ce doit-être le docteur qui se réjouit de la reprise de son captif. La porte s'ouvre dans un grincement tonitruant. Brisant tout silence comme tout espoir en mon coeur.
La pierre m'avale pour sans doute ne jamais me recracher ...
A l'intérieur, seul bras-d'acier m'a suivi maintenant toujours fermement mon bras droit, comme si celui-ci, s'il se déployait, allait me permettre de m'envoler ou de percer les entrailles du monstre de ciment qui m'emprisonne.
Un escalier en colimaçon dont je ne vois pas le bout circoncit une colonne de marbre blanc, comme le lierre grimpe au tronc pour atteindre la grandeur qui jamais n'eut du être sienne.
Déjà cet escalier me semble injuste, impitoyable, il représente l'effort supplémentaire que je dois fournir pour rejoindre mon calvaire. Que me veut-on ? De quoi suis-je puni ? De qui suis-je sinon la victime, le détenu ?
Le gros-bras m'attrape la nuque alors que j'atteins le palier du sommet. Dans mon oreille un souffle rauque et froid :
" Ici reposent les marginaux, ceux qui diffèrent restent au plus haut.
Ferdi n'est que l'envers, et toi au bon endroit.
Ici, n'est pas l'enfer bien qu'au fond chacun le croit. "
Une nouvelle porte s'ouvre, on me pousse en avant : la lumière alors m'aveugle et je chancelle.
La silhouette s'offre à mon regard, se détachant de la source chaude.
Je suis étonné de me voir là,
de me savoir devant,
alors que de mes yeux je suis derrière,
je me suis précédé, il m'attendait ...


Une sensation fugace et paradoxale de bien-être m'envahit.
- Je vous laisse, mes chéris... fait-elle avec un sourire d'une ambiguë douceur. Je suis sûre que vous avez des tas de choses à vous dire...
Mais nous restons sans voix. On ne se raconte pas d'histoire à soi-même. C'est déjà tout juste si on s'écoute parler.
"Tiens, me dis-je tout de même, elle a laissé la porte ouverte..."
- C'est normal, me réponds-je, c'est l'heure de l'apéro.
La routine quotidienne reprend le dessus (mollo, apéro, dodo...) et nous rejoignons donc les autres dans la grande salle aménagée dans les combles du château d'eau et où le bruissement des conversations s'interrompt un instant à notre entrée. Nous les retrouvons tous avec cette émotion que connaissent bien tous ceux qui ont coutume de se réunir pour fêter Noël en famille : un mélange de nostalgie au souvenir des colis sous le sapin et d'angoisse à l'instant d'ouvrir les paquets.

Une demie douzaine de "moi" s'affaire à satisfaire les besoins des "moi" invités. Un de mes clônes nous offre à boire. Dans les flutes, ce même breuvage rose exquis que j'ai dégusté dans l'ambulance tout à l'heure. A peine ai-je trempé mes lèvres que la seule imperfection de cette réunion familiale disparaît : un groupe de jeunes femmes entre. Chacune porte en sautoir un stéthoscope à coeurs.
Mais quelque chose m'inquiète : le lierre grimpant, présent partout, semble croître à vue d'oeil.

"Je ne comprends pas"
Le docteur Ferdi soupire.
"- tu oublies à chaque fois, 89, à chaque fois! Nous avons dû louper quelque chose lors de ta fabrication..."
Alors c'est ça, je suis un clone aussi. Et non pas l'original.
Une pointe me prend au cœur, ça n'est pas une crise cardiaque non, mais bien la tristesse. Des larmes commencent à perler sur mes joues et le docteur Ferdi lève les yeux au ciel
"-Vraiment à chaque fois le même cinéma 89! Ressaisis toi!"

Je m'éloigne, je m'isole dans un des canapés de la grande salle. J'aurais voulu me cacher mais où que mon regard soit, je me voyais, une fois concentré à ne pas renverser un verre, une fois à rire aux éclats avec une des femmes au stéthoscope en cœur, une autre fois impassible et comme perdu aux fonds de mes pensées. Mes pensées sont elles les mêmes pour tout le monde? Si je pense maintenant à m'enfuir, tous les autres s'enfuiront-ils avec moi, dans un même mouvement?

Une musique douce mais dynamique me sort sur-le-champ de mon imagination. Tout le monde se lève et se met en demi cercle, face à une scène. Une fois tout le monde installé, ce même tout le monde me regarde et commence à scander "mon" numéro. Je ne comprends pas, je cherche Ferdi du regard ou les femmes en rose mais il n'y a plus que les clones et moi. Ou plutôt les nous.

L'inquiétude ne dure guère. En émoi, tous mes moi portent le regard sur les jeunes femmes.Sans atermoyer, chacun de murmurer un très correct "quelle jolie silhouette". En réalité, chacun pense ce qu'il pensait à quinze ans en gosse mal élevé!
Tous mes moi rêvent de se muer en stéthoscope pour sentir battre le coeur soulevant en cadence les poitrines des jeunes femmes. Tous mes moi de réaliser qu'elles sont les belles elles. Le choix sera simple, chacune son chacun.
Le lierre n'a cessé de croître.Pour l'instant, il enserre tous mes moi et toutes les belles elles. Symbole de fidélité, le lierre se multiplie enserrant un moi et une belle elle, formant ainsi à jamais couple.
Chaque couple vit sa vie. La réception devenue sans sens se meurt. Ne demeure que champagnes et zakouskis en cette demeure où le hasard m'a conduit hagard sous le contrainte d'un fort gaillard guère bavard.J'y ai trouvé l'amour, un mystère, comment s'appelle ma belle elle, Adèle, Isabelle, Michèle, Gabrielle ou Vermicelle? Al dente ou en papouille, je la croquerai tandis que ma belle elle me dévorera. Miam, miam ...

1 commentaires:


Bluegail a dit…
Toutes ces pensées me traversaient l'esprit en passant de Wallonie en Flandre et de Flandre en Wallonie sur cette autoroute. J'imaginais un découpage malicieux de la carte géographique à l'instar de celles que je créai sur les bancs d'école pendant mes heures de cancre : les méandres de la frontière mettaient la ligne droite au défi. Etait-ce la sirène de bateau de ce camionneur bulgare cornant au dépassement fulgurant changeant subitement la grille d'accords de la bossa que j'écoutais à présent du CD ? Le GPS en avait pris un coup sur la patate et la prise sautait de l'allume-cigare : devoir remettre tout ça en roulant sur les nids-de-poule en réparation ! Quelques flashs de ces coeurs en bandoulière entrevus me zébraient les cellules grises. Le Ring est encore loin ? Aussi loin que le camion bulgare ? Mais ces flashs, en fait ???... Mon moi, lui, végétait quelque part au-delà du tronçon des travaux : je comptais déjà neuf kilomètres. Comme un parcours à obstacles. Le même village était annoncé en plusieurs langues mais pas en même temps. Je me disais avec un certain amusement : "heureusement que je ne suis pas martien !" Ce serait rigolo. Lorsque tout-à-coup le portable sonne : que faire ? Distrait, je pris le GPS à la place du GSM....
Fabienne Sarlette à dit...
Mais peu importe, GPS ou GSM, de toute façon je ne vois plus rien, ébloui par une lumière tellement intense que je me dois d'arrêter le véhicule. Mais qu'est-ce qui se passe ? d'où vient cette lumière ? Et c'est alors que j'entends une voix crier : "arretez tout, ca ne va pas,vous êtes tous trop mauvais, on recommence" la lumière séteint petit à petit et je me rends compte que je suis sur un plateau de tournage d'un film, mais qu'est-ce que je fous là , je ne me souviens de rien même pas d'avoir jamais été acteur.